Tristesse, colère, joie, peur, honte,... nous ressentons tous des émotions. Pour certains, ces émotions sont peu présentes : « Tu as aimé ce film ? Mouais, pas mal... ». Pour d'autres, elles sont tellement envahissantes qu'elles en deviennent nuisibles : « Quand je suis face à lui, j'ai une boule au ventre, je me mets à transpirer et je suis incapable de réagir ». Pourtant, la capacité d'exprimer et de ressentir des émotions est indispensable à la mise en œuvre des comportements rationnels. Puisqu'elles sont inévitables et indispensables, autant les utiliser au mieux !

 Des émotions pour quoi ?

Tout d'abord, qu'est-ce qu'une émotion ? En voici une définition : L'émotion est une réaction soudaine de tout notre organisme, avec des composantes physiologiques (notre corps), cognitives (notre esprit) et comportementales (nos actions) . Elle intervient en réponse à un stimulus perçu par nos sens. Elle est subjective, donc, dans une même situation, deux personnes peuvent avoir des émotions un peu, voire totalement, différentes.
Observons quelques situations et l'émotion « classique » correspondante :

  • Si je traverse la rue alors qu'une voiture arrive à vive allure, je risque de me faire renverser : la peur va me faire éviter ce danger ;
  • A table, un convive s'est servi en premier de la moitié du plat et il reste encore trois personnes à servir : la colère va me faire réagir en lui demandant d'en laisser suffisamment pour les autres ;
  • Mon conjoint vient de me quitter : la tristesse va me pousser à me replier sur moi-même pour faire le deuil de cette relation et comprendre ce qui a cloché ;
  • Je passe une soirée entouré(e) de personnes que j'apprécie : la joie va me donner de l'énergie pour en profiter pleinement et l'envie de renouveler ce type de moments.

Les émotions sont donc là pour nous renseigner sur une situation. Elles nous aident à agir et à communiquer de façon adéquate par rapport à cette situation et à nos intérêts, tout en respectant les autres. Malheureusement, cela ne se passe pas toujours aussi bien ! Dans la seconde situation, au lieu de lui demander poliment mais fermement d'en laisser pour les autres, je peux me taire et ne plus ouvrir la bouche du repas. Ou alors, je peux me mettre à crier et à l'insulter. Les émotions sont donc parfois mal comprises, parfois mal utilisées, ou pire, remplacées par une autre plus acceptable comme nous le verrons après. De plus elles peuvent être si fortes que les raisonnements que nous essayons de mettre en place pour les maîtriser restent inefficaces.

Comprendre ses émotions ...

Notre fonctionnement émotionnel peut, pour partie, être comparé à certains comportements des animaux (citons la peur qui aide à la survie de l'espèce humaine depuis des millénaires). Mais les émotions sont plus élaborées chez l'homme, parfois trop, peut-être... Nos émotions sont moins instinctives, moins spontanées. Par exemple, Carole, 5 ans, ne peut pas se mettre en colère quand une situation ne lui convient pas sans se faire immédiatement traiter de « méchante fille qui fait du mal à sa maman ». Du coup, dans ce cas, elle n'exprime plus de la colère, mais de la tristesse. Sa maman vient alors immédiatement la consoler. Devenue adulte, elle réagit toujours par la tristesse et non par la colère. Elle est donc incapable de se faire respecter et les autres abusent facilement d'elle du fait de cette réaction. Elle souffre énormément de cette situation et a une piètre estime d'elle-même.
Durant notre enfance, nous apprenons un fonctionnement émotionnel. Puis pendant toute notre vie, nous confirmons et renforçons ce fonctionnement. Mais celui-ci, peut-être adapté dans le contexte initial, se révèle bien souvent inadapté par la suite. Nos émotions d'aujourd'hui sont donc une combinaison de nos expériences passées et de notre expérience de l'instant. Ce passé nous impose sa tyrannie du fait que nous n'en avons plus conscience et qu'il est extrêmement fort. Pour s'en libérer, il faut identifier et comprendre ces mécanismes. L'interdiction de la colère ou l'imposition de la honte entraînent notamment des vécus très difficiles pour les individus.

... pour les utiliser positivement

Une fois que nous avons compris pourquoi nous ressentons telle émotion dans telle situation, comment l'utiliser positivement ? Il est bon de ne pas réagir « au quart de tour », de prendre quelques secondes pour mieux évaluer la situation et choisir ainsi une réaction plus appropriée. Cela permet de reconnaître la ou les émotions ressenties et d'avoir conscience de leur raison exacte. Carole pourra ainsi ressentir sa colère plutôt que seulement sa tristesse. Et elle pourra ainsi utiliser positivement cette colère pour se faire respecter (voir encadré)
Et puisque l'émotion implique le corps et l'esprit, il est indispensable d'être attentif à nos pensées et à notre état physique. Une émotion trop forte peut nous envahir et nous réduire à l'impuissance. Rétablir un peu de calme permet alors de penser et d'agir plus efficacement.
Les émotions sont donc là pour nous guider, comme une sorte de boussole-altimètre. Encore faut-il savoir l'utiliser et avoir une carte pour se repérer dans ce territoire où nous nous perdons parfois sans nous en rendre compte. Si nous sommes coupé(e)s de nos émotions ou si elles nous submergent, il est indispensable de comprendre enfin ce qui se joue, pour ne plus obéir à cette tyrannie et utiliser nos émotions de manière plus positive.

La colère, une émotion mal aimée

Comment utiliser positivement la colère ? Comment l'exprimer sans agresser l'autre, sans tomber dans la violence ? La colère vous indique qu'une situation ne vous convient pas. Elle vous donne également la force et la détermination pour réagir afin que votre besoin soit satisfait. Mais elle n'est pas synonyme de violence. Même l'animal n'utilise la violence que s'il n'a pas d'autre issue. La violence, qu'elle soit verbale ou physique, est un comportement agressif, utilisé en cas d'impuissance à faire changer une situation par un autre moyen. L'humain a pourtant une autre possibilité pour utiliser positivement sa colère en se faisant respecter tout en respectant l'autre : La parole et les mots. Il peut « Être en colère pour ... » et non « Être en colère contre ... » ! Comment ?
En ne dirigeant le flux de son énergie ni contre soi (culpabilité) ni contre l'autre (colère agressive). En mobilisant son énergie pour faire changer la situation, pas pour se faire mal ou faire mal à l'autre. Mère Theresa et l'Abbé Pierre étaient des humains profondément en colère... mais absolument pas violents. Ils ont mobilisé leur énergie pour les causes en lesquelles ils croyaient. Nous pouvons faire de même dans notre quotidien et pour des causes plus personnelles.
Marshal Rosenberg propose une méthode pour vous y aider : la Communication Non Violente. Le principe est de parler de soi (« Je me suis inquiété ») plutôt que de l'autre (« Tu aurais dû m'appeler »). Ensuite c'est de construire une phrase qui énonce successivement le facteur déclenchant, vos émotions, vos besoins et votre demande (« Lorsque tu cries, je suis en colère, car j'ai besoin de calme quand je suis fatigué, aussi je te demande de parler plus doucement »).

Article publié dans le guide-annuaire du mieux-être Optime 2013-2014

Go to top